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11/04/2015

Economie : pour la droite libérale, c'est Apocalypse now

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...si elle découvre les constatations des économistes à la conférence de l'INET (Institute for New Economic Thinking), réunie à Paris jusqu'à demain 11 avril :


 

 

Le pape François avait donc raison ? Ses méprisants détracteurs avaient tort ? La partie critique des pages économiques de La joie de l'Evangile vient d'être confirmée (involontairement) à la 6ème conférence annuelle de l'INET, réunie à Paris au siège de l'OCDE autour d'intervenants comme Joseph Stiglitz, Thomas Piketty  et même George Soros. Voici le tableau** bossé par l'INET, qui a décidé – un peu tard – de « confronter les théories économiques avec la réalité du terrain » :

 

Robert Johnson, président de l'INET : « Lors de la crise financière de 2008, nous avons compris que les paradigmes mêmes de la théorie économique avaient échoué : les économistes étaient responsables de mauvaises décisions parce que leurs théories ne rendaient pas compte de la réalité. »

 

Depuis sa conférence fondatrice en 2010, l'INET soumet à la critique les trois principaux piliers de la théorie économique dominante :

1. Premier dogme : « les marchés peuvent s'auto-réguler parce que le comportement des acteurs économiques est rationnel ». Ce dogme était faux ! Depuis 2008, « nous savons que les marchés sont radicalement incertains », explique Johnson. Tout modèle reposant sur le culte des marchés « est voué à l'échec ».

2. Deuxième dogme : « les politiques économiques doivent laisser les marchés parvenir à leur équilibre naturel optimal exprimé par le niveau relatif des prix et des échanges ». Encore faux ! Baptisé « courbe de Philips », ce dogme a conduit à d'autres faux dogmes : a) la réduction massive des dépenses publiques, censées être « le premier facteur de distorsion des prix » ; b) l'interprétation du chômage comme conséquence du « manque de flexibilité de l'emploi »... Ces théories sont contraires à la réalité, constate maintenant l'INET. Depuis les années 1990, en effet, l'offre et la demande sur le marché de l'emploi ne déterminent plus la formation des prix : celle-ci vient de « la mondialisation des chaînes de valeur »***, de « la financiarisation de l'économie » (le casino global) et de « la capacité des firmes multinationales géantes à bouleverser l'économie d'un territoire en bougeant à leur guise des masses considérables de valeurs ou de technologies » ! Le faux dogme du « prix d'équilibre naturel » génère « austérité et chômage » selon Joseph Stiglitz... Or, pour rompre avec ces erreurs, l'INET propose une hérésie majeure aux yeux des libéraux : restaurer le rôle du politique dans l'économie. C'est ce que demandent les papes depuis vingt-cinq ans (même si des « fidèles » français s'obstinent à refuser de suivre les papes dans ce domaine crucial) : après saint Jean-Paul II et Benoît XVI, François demande que le politique oblige  l'économie à tenir compte du bien commun. C'est ce que l'INET demande aussi, en insistant pour que l'on considère comme « biens communs » – éléments non marchands dans l'économie – le climat, la biodiversité et les ressources naturelles ; attitude évidemment incompatible avec le libéralisme, pour lequel tout doit être soumis au marché.

3. Troisième faux dogme : « le libre fonctionnement des marchés permet d'accroître la richesse de tous et de chacun ». De cette erreur (vieillie mais encore professée par le FMI et l'OMC) découle l'absurde théorie du ruissellement (trickle-down), selon laquelle l'enrichissement des riches profite mécaniquement aux pauvres... En condamnant cette théorie  des « retombées » (comme « n'ayant jamais été vérifiée dans la réalité »), l'exhortation apostolique du pape François avait scandalisé les chroniqueurs du Figaro, de L'Opinion, des Echos et de Valeurs Actuelles sur le plan économique :  d'où  leur campagne oblique pour  déconsidérer  ce pape sur le plan... religieux. Mais voilà que l'analyse bergoglienne est confirmée par des observations d'économistes ! Depuis le putsch ultralibéral des années 1990, disent-ils, les inégalités vont croissant : actuellement les revenus du 1% de Terriens les plus riches sont équivalents à ceux des 61% les plus pauvres (démonstration d'un économiste de la Banque mondiale). Un économiste néerlandais montre  les méfaits de la financiarisation de l'économie mondiale : le volume des crédits affectés à la sphère financière a explosé depuis trente ans, atteignant 200% du PIB mondial à la fin des années 1990, puis 400% en 2007, monstrueuse disproportion par rapport  à l'économie réelle ; et la tendance s'aggrave malgré la catastrophe de 2008... 

 

Dans son article du Monde, Reverchon cite cette phrase : « Les fondamentalistes du marché seront les derniers à bouger, comme l'ont été les universitaires marxistes en Union soviétique, qui ont défendu leurs positions jusqu'à la date de leur mort, alors que leur monde s'était écroulé ». L'observation est exacte, bien qu'elle soit de George Soros.   

L'INET, créé en 2010, est une fondation financée à l'origine par le même Soros, en compagnie des PDG de Blackberry et du fonds Warburg Pincus : groupes d'intérêts peu portés sur les remises en cause. Mais le fait est là : le diagnostic de l'INET détruit les dogmes devenus pensée unique officielle après 1990. Dogmes auxquels le PS s'est rallié de longue date... Dogmes qui sont (encore aujourd'hui) la Loi et les Prophètes de la droite libérale française ! Pour cette droite, le constat de l'INET est une apocalypse. Elle se gardera donc d'en parler.

Nous, en revanche, cette destruction du dogme économique par des économistes nous intéresse. Pour deux raisons : 1. c'est une repentance de la caste coupable ; 2. c'est un retour au réel, partageable par tous les hommes de bonne volonté puisque la réalité est la même pour tout le monde. Les catholiques comptant parmi les hommes de bonne volonté (auxquels fut annoncée la paix sur la terre), ils ne devraient pas manquer de méditer sur cet événement.  A condition que l'information leur parvienne...

 

Bien entendu, les économistes de l'INET ne mettent en cause que le dogme ultralibéral ; ils ne sortent pas du paradigme productiviste. Ce qu'ils proposent n'est donc qu'une demi-révolution. Mais leur demi-révolution consiste à rompre avec le libéralisme : ce n'est pas rien, même si cette rupture inaugurale n'a encore lieu que dans des intelligences.

Une rupture concrète exigerait que le politique ressuscite, et que les Etats (miraculeusement réinventés) prennent l'offensive pour changer de système à l'échelon international. On en est loin. Les Etats s'en remettent à la planète financière depuis trente ans, et le quasi-totalité de la classe politique adhère – en l'absence de croissance ! - au mythe de la croissance infinie. C'est une secrétaire d'Etat socialiste qui ânonnait en 2013, dans un forum du PS : « Le progrès il est dans le fait de passer nos frontières et de passer nos limites... » En ce cas, le progrès est réalisé par les multinationales et les fonds spéculatifs, fer de lance du sans-limites. Et les bigots de ce « progrès », à gauche et à droite, resteront sourds aux avertissements de la réalité.

 

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* dont cinq prix Nobel d'économie...

**  synthèse par Antoine Reverchon (Le Monde Culture & Idées, 11/04).

*** Glossaire : « La chaîne de valeur désigne l'ensemble des activités productives réalisées par les entreprises en différents lieux géographiques au niveau mondial pour amener un produit ou un service du stade de la conception au stade de la production et de la livraison au consommateur final. Ces activités englobent selon les cas la recherche-développement, la conception, la production, la commercialisation, la distribution, la vente au détail, et parfois même la gestion et le recyclage des déchets.  L'intensification de la mondialisation des chaînes de la valeur a entraîné un niveau sans précédent d’interdépendance entre les pays associés aux chaînes d’approvisionnement. »

 

Commentaires

STIGLITZ

> L'avis de Stiglitz à ce sujet: http://www.lemonde.fr/economie/video/2015/04/10/stiglitz-il-faut-en-finir-avec-l-austerite_4614000_3234.html
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Écrit par : ND / | 11/04/2015

PARASITES

> George Soros, le mec derrière la "révolution" ukrainienne qui se propose maintenant de venir en aide financièrement au néo-nazis installés à Kiev.
Thomas Piketty, le mec qui se dit économiste et qui est fier de n'avoir jamais lu une page du capital de Marx.
Joseph Stiglitz, le mec qui reçoit un Nobel de la Banque de Suède et "critique" le système libéral, super crédible.
Belles brochettes de parasites.
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Écrit par : Edmond D. / | 11/04/2015

LE LIBÉRALISME EN MODE AUTO-DESTRUCTION

> Le 13 mars Jay Famiglietti, senior water scientist at the NASA Jet Propulsion Laboratory/Caltech et prfesseur d'Earth system science à l'Univeristé de Californie à Irvine publie une "opinion" dans les pages du L.A. Times, pour résumer : ou nous agissons MAINTENANT ou la Californie sera sans eau dès 2016.
Le Gov. Brown (Jerry pour les intimes) réagit "immédiatement" le 1er avril (ce n'est pas un poisson cette fois..) en réduisant l'approvisionnement en eau des particuliers ce qui représente environ 20% du total de l'eau consommé. En particulier, dès 2016, les toilettes vendus en Californie auront de plus petites chasses d'eau...
On comprendra que Jerry Brown a tout compris des enjeux.
Entretemps, le 20 mars, les administrateurs du système de distribution de l'eau en Californie rassure le public, non, la Californie ne va pas manquer d'eau dans l'immédiat, il ne faut pas paniquer, cela pourrait éventuellement se produire d'ici deux ans mais pas MAINTENANT.
Conclusion: rendormez-vous et continuez à arroser votre gazon en plein désert. L'un des arguments imparables avancé par ces brillants cerveaux ? Il y a déjà eu des périodes de sécheresse prolongé dans le passé. Oui, et il y a déjà eu des périodes glaciaires, aux dernières nouvelles il ne restait plus grand monde après pour en discuter l'impact...
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Écrit par : Rodolphe / | 11/04/2015

à Edmond D.

> Peu importe en l'occurrence que Soros soit russophobe, Piketty peu cultivé et Stiglitz profiteur, si la fondation dont ils font partie se trouve dire objectivement des choses exactes. La réalité ne dépend pas des gens, elle existe indépendamment.
Et si des enfoirés professionnels finissent par reconnaître la réalité qui condamne leur comportement antérieur, tant mieux pour tout le monde.
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Écrit par : Quiniou / | 11/04/2015

L'ÉCONOMIE N'EST PAS UNE SCIENCE

> Les économistes ont souvent un sérieux problème avec la réalité. Cela vient peut-être de la prétention qu'a cette discipline à être considérée comme une science au même titre que, par exemple, la physique. Or, si l'utilisation de modèles mathématiques en physique rend globalement compte de la réalité (et encore, il y a des limites), comment des économistes ont-ils pu sérieusement bâtir des théories souvent fort élaborées sur des postulats tels que la rationalité du comportement des acteurs économiques ? Cela reste pour moi un mystère.
Cela posé, il n'y a pas à se plaindre si certains d'entre eux paraissent (enfin) constater qu'il existe un monde réel.
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Écrit par : sven laval / | 11/04/2015

@ Edmond D.

> Je peux me tromper, mais il me semble concernant Stiglitz, qu'il a effectivement reçu le Prix Nobel dont on sait qu'il est quasi-exclusivement attribué à des libéraux et leurs épigones.
Mais c'était en 2001.
Si j'ai bien comrpris, il a changé depuis l'époque (voir: http://fr.wikipedia.org/wiki/Joseph_E._Stiglitz ) Il est répertorié comme nouveau-keynésien. Lisez ses écrits, vous verrez qu'il est particulièrement critique envers le FMI et la Banque Mondiale. Ce qui me fait dire que je trouve la remarque de PP plus appropriée: c'est une demi-révolution.
Last but not least: http://www.pass.va/content/scienzesociali/en/academicians/ordinary/stiglitz.html
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Écrit par : ND / | 11/04/2015

DIMANCHE DE LA MISÉRICORDE

> En cette veille du dimanche de la Miséricorde le pape François nous montre le chemin de la conversion car, pour trente deniers, une fois de plus, on est en train de vendre l'humanité toute entière...
"Le même appel s’adresse aux personnes fautives ou complices de corruption. Cette plaie puante de la société est un péché grave qui crie vers le ciel, car il mine jusqu’au fondement de la vie personnelle et sociale. La corruption empêche de regarder l’avenir avec espérance, parce que son arrogance et son avidité anéantissent les projets des faibles et chassent les plus pauvres. C’est un mal qui prend racine dans les gestes quotidiens pour s’étendre jusqu’aux scandales publics. La corruption est un acharnement dans le péché qui entend substituer à Dieu l’illusion de l’argent comme forme de pouvoir. C’est une œuvre des ténèbres, qui s’appuie sur la suspicion et l’intrigue. Corruptio optimi pessima, disait avec raison saint Grégoire le Grand, pour montrer que personne n’est exempt de cette tentation. Pour la vaincre dans la vie individuelle et sociale, il faut de la prudence, de la vigilance, de la loyauté, de la transparence, le tout en lien avec le courage de la dénonciation. Si elle n’est pas combattue ouvertement, tôt ou tard on s’en rend complice et elle détruit l’existence."
http://w2.vatican.va/content/francesco/fr/apost_letters/documents/papa-francesco_bolla_20150411_misericordiae-vultus.html
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Écrit par : isabelle / | 11/04/2015

POMPIERS PYROMANES

> Je résume : l'immeuble "capitalisme" est en feu et on se réjouit de voir les pyromanes déguisés en pompiers venir essayer d'éteindre. Ce n'est pas d'une réforme ou de pseudo-mea culpa dont notre société a besoin c'est d'un changement de paradigme et aucun d'eux n'y consent.
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Écrit par : Jean-Christophe / | 12/04/2015

MOEURS

> A propos de 'Valeurs Actuelles'... Dans son éditorial, Yves de Kerdrel, se félicitant de la levée des sanctions commerciales en Iran, cite Montesquieu dans "De l'esprit des lois" :
"Le commerce guérit des préjugés destructeurs ; et c'est presque une règle générale que partout où il y a des mœurs douces il y a du commerce, et que partout où il y a du commerce il y a des mœurs douces". C'est fort bien dit mais, néanmoins, hautement contestable !

isabelle


[ PP à Isabelle - Les deux guerres de l'opium imposée aux Chinois par les Occidentaux, par exemple, furent un chef d'œuvre de ce que V.A. doit considérer comme un adoucissement des mœurs par le commerce sans frontières ! Historique de la 1ère guerre de l'opium (Wikipédia) :

" L’opium vient d’Inde, et les Portugais sont les premiers à en vendre aux Chinois. Les Britanniques se lancent dans ce commerce lucratif qui se développe : en 1729, environ 200 caisses d’opium par an entrent en Chine ; à la fin du XVIIIe siècle, plus de 4 000, et plus de 40 000 en 1838, vendues par les Américains et les Britanniques.
Les Britanniques exigent d'être payés en lingots d'argent, récupérant ainsi le précieux métal qu'ils avaient cédé dans le commerce du thé. La balance commerciale entre la Chine et l'Empire britannique s'inverse rapidement et spectaculairement en faveur des Britanniques. La corruption des fonctionnaires chinois qui contrôlent le trafic de drogue en Chine devient préoccupante et la drogue provoque des ravages dans la population. L'Empereur décide alors de réagir en s'en prenant aux intérêts britanniques.
En 1798, le gouvernement du Premier ministre britannique William Pitt envoie une ambassade à Pékin pour négocier un accord sur les échanges commerciaux, sur la base de cette situation nouvelle. L’empereur, refusant de se faire « forcer la main » à cause de l’opium, préfère fermer son pays aux commerçants et aux missionnaires européens.
La cour décide de prohiber l’opium. En 1729, un premier édit, proclamé par l’empereur Yong Zheng (1723-1736), promulgue l'interdiction du trafic d’opium, le considérant dorénavant comme de la contrebande.
Cependant le trafic continue, et en 1796, un nouvel édit, proclamé par l’empereur Jiaqing (1796-1821), confirme l’interdiction du trafic de l’opium, sous peine de mort. Cette fois, des sanctions contre les opiomanes sont également prises.
En 1800, l’empereur proclame un nouvel édit qui confirme la prohibition de l’opium et interdit sa culture en sol chinois ; les dépôts d’opium sont déplacés à Huangpu.
En 1809, une mesure administrative est prise pour tenter d’entraver le trafic : les navires qui déchargent à Huangpu doivent fournir un certificat sur lequel est indiqué qu’il n’y a pas d’opium à bord. La corruption régnant parmi les fonctionnaires ne permet pas l'application stricte de ces mesures.
Rien ne semble pouvoir arrêter ce commerce très lucratif : en 1813, une caisse d’opium indien se vend 2 400 roupies (prix de revient de 240 roupies). En 1821, un nouveau décret chinois annonce que le commerce n’est plus possible à Huangpu. Le marché se déplace à Lingding, où il se développe de 1821 à 1839. La Compagnie britannique des Indes orientales (East India Company) décide alors de contourner l'interdiction et augmente ses ventes illégales d'opium en Chine ; de 100 tonnes vers 1800 à 2 600 tonnes en 1838. Le commerce des Britanniques en Chine devient enfin excédentaire, en 1835, il y a 2 millions de fumeurs d’opium en Chine.
Les autorités chinoises répondent alors de façon plus efficace. L’empereur Daoguang (1820-1850) demande conseil à une dizaine d’experts avant de prendre une décision. Au sein de la cour, il y a des partisans et des adversaires de l’opium : certains veulent légaliser le trafic ou plutôt la production chinoise; d’autres voient le problème financier que la drogue va poser à la Chine. Un débat va s’engager pendant deux ans. Un de ces rapports est présenté par le gouverneur général des provinces de Hubei et du Hunan, Lin Zexu (1775-1850).
Celui-ci est plutôt partisan de l’ouverture de la Chine au monde extérieur. C’est un farouche adversaire du trafic et son rapport défend l’interdiction de l’opium. Il propose une série de mesures pour limiter le trafic et la consommation de l’opium. Son texte est fondé sur sa pratique dans ses deux provinces : confisquer les stocks de drogue et accessoires de l’opiomanie.
L’empereur nomme en décembre 1838 Lin Zexu commissaire impérial de la province du Guangdong (Canton). Il a pour charge de mettre un terme à l’usage de l’opium. Canton est, à l'époque, le port par lequel on importe la majorité de l'opium.

L’action de Lin Zexu

En mars 1839, Lin Zexu arrive à Canton et établit la liste de toutes les fumeries d’opium, des tenanciers des fumeries et des vendeurs.
Il confisque tous les stocks d’opium de la ville : il donne ordre aux propriétaires de ces stocks de venir remettre la drogue en échange de thé. Ils doivent aussi s’engager par écrit à renoncer à faire du commerce avec les Chinois (vu que tous les propriétaires sont étrangers).
Le surintendant du commerce britannique devra alors coopérer avec Lin. En avril 1839, Lin fait parvenir à la Reine du Royaume-Uni, Victoria, un message pour lui dire que la consommation d’opium est interdite en Chine et lui demande d'en faire cesser le trafic.
Le 3 juin 1839, la drogue saisie est détruite, soit 20 291 caisses (1 188 tonnes). Lin édicte un règlement qui stipule que les bateaux étrangers qui entrent dans les eaux territoriales chinoises seront fouillés. L’opinion publique est favorable à cette interdiction.
Au nom de la défense du commerce, lord Melbourne, le Premier ministre de la reine Victoria, convainc le Parlement britannique d'envoyer un corps expéditionnaire à Canton, déclenchant du même coup la première guerre de l’opium.
Au Royaume-Uni, environ 300 sociétés commerciales britanniques demandent au gouvernement d’intervenir auprès des autorités chinoises. Certains veulent une intervention officielle des Britanniques pour qu’on leur paie leur marchandise détruite. Une campagne de presse est organisée pour déplorer tous ces incidents entre Britanniques et Chinois.
En Chine, les choses se tendent encore plus et il y a même des affrontements armés entre navires britanniques et jonques chinoises : le premier a lieu en septembre 1839 et le deuxième en novembre 1839. Lin Zexu interdit le port de Canton aux navires britanniques en décembre 1839; l’empereur décide de « fermer pour toujours » Canton aux Britanniques en janvier 1840.
Cette nouvelle parvient au Royaume-Uni. Un débat a lieu en avril 1840 à la Chambre des Communes entre les partisans d'opérations militaires pour la réparation des torts envers leurs commerçants et ceux qui veulent que le Royaume-Uni renonce à vendre de l’opium et, du même coup, renonce à une guerre. Les premiers auront gain de cause.
Le 7 juillet 1839, un incident met le feu aux poudres : un groupe de marins Britanniques et Américains débarquent à Kowloon où ils trouvent un approvisionnement en alcool de riz dans le village de Chien-sha-tsui. Dans l'émeute qui en résulte, les marins vandalisent un temple et tuent un homme. Prétextant que la Chine n'a pas de système juridique constitué d'un jury ou d'une audience probatoire (le magistrat était à la fois le procureur, le juge, le jury et le futur bourreau), le gouvernement britannique et la communauté britannique de Chine souhaitaient que les sujets britanniques ne soient jugés que par les juges britanniques. Lorsque les autorités Qing ont exigé que les hommes soient remis à la cour pour le procès, les britanniques refusent. Six marins sont finalement jugés par les autorités britanniques à Canton (Guangzhou), mais ils sont immédiatement libérés dès qu'ils ont atteint l'Angleterre4.

La guerre

En avril 1840, une armada britannique est mise sur pied : 16 vaisseaux de ligne, 4 canonnières, 28 navires de transport, 540 canons et 4 000 hommes. Sous le commandement de l’amiral Elliot, ils arrivent au large de Canton en juin 1840. Un croiseur britannique bombarde Canton et occupe l'archipel voisin de Zhoushan (舟山) (d'où est tiré le terme de « diplomatie de la canonnière »). Les britanniques attaquent Canton mais sans succès, car Lin a fait planter des pieux retenus par des chaînes dans le port pour empêcher les bateaux d'accoster. Il y a aussi une milice qui défend la ville.
Les Britanniques conquièrent Hong Kong (alors un avant-poste mineur) et en font une tête de pont. Les combats commencent réellement en juillet, quand les HMS Volage et HMS Hyacinth défont 29 navires chinois. Les Britanniques capturent le fort qui gardait l'embouchure de la rivière des Perles — la voie maritime entre Hong Kong et Guangzhou.
La cour chinoise prend peur. Lin Zexu tombe en disgrâce (condamné à l’exil) et il est remplacé par un aristocrate, Qishan.
Des négociations ont lieu à Canton : Qishan fait démolir les fortifications de Lin, dissoudre la milice en novembre 1840 et réduire le nombre de soldats.
Les Britanniques revendiquent :
La reprise du commerce avec le Royaume-Uni
Le remboursement des stocks d’opium détruits
La passation de Hong Kong (anciennement Îles Victoria) dans leur giron.
Qishan refuse. Les Britanniques tentent de le faire plier en attaquant et s’emparant de quelques ouvrages de fortification. Qishan prend peur et accepte les revendications.
La cour chinoise pense que l'acceptation de Qishan ne concerne que la reprise du commerce. En apprenant que cela va beaucoup plus loin, l’empereur décide de destituer Qishan (condamné à mort pour mauvais services, puis à l'exil) et déclare la guerre aux Britanniques le 29 janvier 1841. L’empereur remplace Qishan par Yishan.
En 1841, les forces britanniques occupent la région autour de Guangzhou, puis prennent la ville voisine de Ningpo (Ningbo) et le poste militaire de Chinhai (District de Zhenhai à Ningbo).
Dans la province de Canton, les Britanniques se rendent vite maîtres des endroits stratégiques. Yishan met plusieurs semaines à arriver à Canton; l'assaut qu'il lance contre les Britanniques est repoussé et les Chinois se replient à l’intérieur de la ville. Yishan demande l’armistice et une convocation d’armistice (convention sur le rachat de Canton) est signée le 27 mai 1841. Cette convocation engage les Chinois à racheter Canton pour 6 millions de dollars aux Britanniques (dont un million le jour même). Mais elle repose sur un double malentendu utilisé par les diplomates britanniques : les Chinois considèrent cette action comme un prêt commercial, alors que les Britanniques n’ont renoncé ni à l’indemnisation des stocks d’opium, ni à Hong Kong.

Capitulation chinoise

Les Britanniques veulent encore faire peur aux Chinois afin d’obtenir davantage avec une nouvelle négociation. En août 1842, une escadre britannique remonte le Yangzi Jiang jusqu'à Nankin, obligeant le gouvernement de l'empereur Daoguang à capituler et à signer le traité de Nankin le 29 août 1842. Ce traité donne aux Britanniques le libre commerce de l'opium, la fin de l'obligation de négocier uniquement avec les Co Hong et surtout la concession de l'île de Hong Kong qui sera reprise par la suite.
La victoire facile des forces britanniques, dirigées par le général Anthony Blaxland Stransham (en), affecte gravement le prestige de la dynastie Qing et a pu contribuer au déclenchement de la rébellion Taiping (1850-1862).

Les traités

Le 29 août 1842, les représentants de la Cour signent à bord d’une canonnière britannique le fameux traité de Nankin. Ce traité sera complété par la suite par deux autres traités conclus le 28 juillet 1843 et le 8 octobre 1843 (traité du Bogue)5. Ces 3 traités reconnaissent aux Britanniques des droits :
1re clause : la cession de Hong Kong qui deviendra une place militaire et économique
2e clause : 5 ports sont ouverts : Xiamen, Canton, Fuzhou, Ningbo et Shanghai. Les Britanniques obtiennent le droit de s’installer dans ces ports et d’y vivre avec leur famille (pour les marchands). Le traité de Humen autorise la construction d'édifices dans ces ports.
3e clause : indemnités de guerre (frais + opium) : 21 millions de yuans6, soit 1/3 des recettes du gouvernement impérial. Échéancier de 4 ans.
4e clause : douanes : les commerçants britanniques sont assujettis au paiement de droit sur les importations et exportations ; le montant est désormais fixé par les Chinois et les Britanniques.
5e clause : droit de la juridiction consulaire : en cas de litige entre un Chinois et un Britannique, une juridiction britannique tranchera sur base des lois britanniques.
6e clause : la nation la plus favorisée : si la Chine signe un traité avec une autre puissance, le privilège accordé à la nation en question sera de fait accordé au Royaume-Uni.
D’autres nations (États-Unis d'Amérique, France) demandent les mêmes privilèges que ceux accordés au Royaume-Uni.
États-Unis : en 1842, revendiquent les mêmes droits commerciaux et légaux. En 1844, ils les obtiennent par le traité de Wangxia (village près de Macao)
France : Avant la guerre de l’opium, les Français étaient mal placés commercialement, mais ils obtiennent eux aussi les mêmes droits en octobre 1844 par le traité de Whampoa... " ]

réponse au commentaire

Écrit par : isabelle / | 12/04/2015

à Jean-Christophe

> Si des charlatans disent qu'il pleut (alors qu'il pleut vraiment), on pourrait évidemment répondre qu'ils mentent puisque ce sont des charlatans.
Mais on peut aussi constater que même des charlatans peuvent avoir leur moment de lucidité, etcontredire leurs boniments et leurs magouilles antérieurs.
Si ensuite les charlatans continuent les magouilles antérieures, cela prouvera que ce sont non seulement des charlatans mais des enfoirés. N'empêche que ce qu'ils ont déclaré à leur colloque fait son chemin dans l'opinion : venant d'eux, un constat pareil est spectaculaire. Cela prouve que la réalité est plus forte que les charlatans.
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Écrit par : Quiniou / | 12/04/2015

ÉVOLUER

> Tout ce qui peut faire évoluer l'opinion publique est bon à prendre, d'où que ça vienne. Même les grands prêtres vicieux peuvent prophétiser : Jean 11,51.
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Écrit par : PP / | 12/04/2015

@ QUINIOU

> Que voulez-vous... si un charlatan dit qu'il pleut parce qu'il pleut, la première chose qui me vient à l'esprit c'est : mais pourquoi me dit-il qu'il pleut ?
Si subitement Soros, tout particulièrement (les deux autres sont des "idiots utiles"), me dit qu'il y a quelque chose de pourri au royaume du Danemark, je ne peux pas m'empêcher de me demander pourquoi, subitement, après 60 ans d'ultra-libéralisme il aurait eu, éventuellement, une révélation sur la réalité de l'économie libérale. Si ce type là emploie ces expressions à ce moment précis et dans le contexte précis où nous nous trouvons c'est qu'il a forcément quelque chose à y gagner et nous, par conséquence, à perdre. On ne le voit pas immédiatement et peut-être cela passera-t-il complétement inaperçu mais c'est là, quelque part à nous de rester vigilant et de fouiller.
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Écrit par : Jean-Christophe / | 13/04/2015

PRIÈRE DE NE PAS RIRE...

> "«Le projet de loi sur la réforme de l'asile (…), ne répond pas à la question centrale de la gestion des déboutés qui provoquent une embolie (…)»; «Tant que la question de l'organisation systématique et rapide de leur retour ne sera pas réglée, le système ne pourra fonctionner correctement» ; «La politique d'asile est devenue la principale source d'arrivée d'immigrants clandestins en France.»… Il ne s'agit pas d'un tract politique mais du cri d'alarme lancé au gouvernement par la Cour des comptes dans un document explosif que Le Figaro révèle lundi." (lefigaro.fr)

Pas un TRACT POLITIQUE mais (un) CRIME D'ALARME .. DE LA COUR DES COMPTES. C'est vrai qu'avec Didier Migaud à la tête de la Cour des Comptes, cette dernière ne fait plus de politique puisqu'elle est devenue la chienne de garde de l'ultra-libéralisme.
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Écrit par : Pierre Huet / | 13/04/2015

BERNIE SANDERS

> Un candidat aux prochaines présidentielles américaines qui cite le Pape dans ses messages ? Bernie Sanders, Indépendant du Vermont. Ne cherchez pas vous ne le trouverez nulle part mentionné par les "média" français qui n'en peuvent plus de Ted Cruz et Hillary Clinton et nous annoncent déjà un duel Clinton-Bush.
Non ce n'est pas retour vers le futur mais simplement une autre Clinton et un autre Bush, un peu comme les Kim à la tête de la Corée du Nord...
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Écrit par : Etienne / | 13/04/2015

BALAAM FILS DE BEOR

> Sont-ils les nouveaux Balaam fil de Béor, qui bénit Israël alors qu'il était stipendié pour le maudire ? C'est étrange qu'ils disent vrai pour une fois.
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Écrit par : Aurélien Million / | 13/04/2015

'LA CROIX' ET L'INDE

> Je m'interroge chaque jour un peu plus sur les orientations éditoriales de 'La Croix'. Durant le Carême j'avais déjà été interloqué de découvrir un supplément de 12 pages pas moins consacré à la gestion de patrimoine ce qui était déjà, au mieux, quelque peu inconvenant en une période où nous sommes censés nous recentrer sur la parole de Dieu et pas faire joujou en bourse.
Voilà maintenant une pleine page consacrée au merveilleux contrat de vente de rafale à l'Inde. Pas un mot sur Narendra Modi et ce que Wikipédia nomme (avec un certain euphémisme il faut bien le dire) sa gestion des violences au Gujarat en 2002 et son discours islamophobe. Que 'Le Figaro' ou 'Le Monde' passe ce genre de "détail de l'histoire de l'Inde" sous silence, je n'en attends pas moins, mais 'La Croix' !?
Les lecteurs avaient déjà vivement réagi aux options éditoriales prises regardant l'Ukraine, voilà une nouvelle fois un article totalement déconnecté de la réalité internationale.
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Écrit par : Emmanuel / | 13/04/2015

L'AVANTAGE DU CHANGEMENT CLIMATIQUE EN COURS...

> c'est que cela donne de bien belles images, pour un peu j'en installerai presque un poêle à charbon dans mon salon.
https://robertscribbler.wordpress.com/2015/02/24/arctic-methane-monster-shows-growing-eruption-number-of-global-warming-induced-craters-now-estimated-at-20-30/#comment-38434
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Écrit par : Emmanuel / | 15/04/2015

C'EST LE MOMENT D'AGIR : SIGNEZ !

> " Le géant des cigarettes Philip Morris a porté plainte contre l’Uruguay pour avoir adopté l’une des meilleures lois anti-tabac au monde et ils ont de bonnes chances de gagner ce procès, à moins que nous ne rééquilibrions les forces au tribunal.
C’est une perspective terrifiante: une multinationale, dont les produits sont mortels, aurait le pouvoir de faire abroger des lois qui protègent la santé publique. Mais si notre mouvement fait entendre sa voix pendant le procès à travers une équipe de juristes de rang international, nous pourrions riposter avec une force qu’aucun juge ne pourrait ignorer et démontrer comment une victoire de Philip Morris établirait un inacceptable précédent pour le monde entier.
Faisons entendre au tribunal que cela ne concerne pas seulement l’Uruguay: si les géants du tabac remportent cette victoire, cela ouvrirait la porte à des contestations similaires partout dans le monde. Les multinationales ont déjà quatre autres pays différents dans le viseur et de nombreux autres craignent pour leurs lois anti-tabac. "
https://secure.avaaz.org/fr/uruguay_vs_big_tobacco_loc/?bphFnjb&v=56731
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Écrit par : Jean-Christophe / | 15/04/2015

USA

> Les investisseurs qui croient que la FED ralentira ses achats bientôt, à cause des indicateurs économiques qui s’améliorent, devront lire mon prochain article, la semaine prochaine, sur la consommation énergétique aux États-Unis versus le taux de croissance du PIB. Si la FED décide de ralentir significativement ses achats, l’économie américaine subira une attaque cardiaque et tombera dans le coma aux trimestres suivants.
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Écrit par : Camille / | 06/06/2015

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